J’ai la joie aujourd’hui de vous proposer le témoignage de Christophe Benavent pour parler de Data Marketing.
Portrait :
Christophe Benavent est docteur en sciences de gestion et professeur à l’université de Paris Ouest.
Il dirige actuellement l’Ecole Doctorale EOS et assure la responsabilité des master MOPP et master MOI.
Ses travaux portent sur les conséquences des technologies de l’information, et donc de la data marketing, sur les stratégies et le marketing des entreprises.
Son domaine de recherche de prédilection est celui de l’analyse textuelle appliquée au marketing (NLP : Natural Language Processing). Il exerce ses talents en ce domaine en exploitant la base des commentaires de Airbnb ou encore de l’observatoire du tourisme de Polynésie (Centre d’Études sur le Tourisme en Océanie-Pacifique).
Sa caractéristique première : La curiosité.
Christophe Benavent, sur ces dernières années, quelles sont, selon vous, les évolutions les plus notables dans les pratiques marketing en lien avec les nouvelles technologies ?
Le plus notable est la digitalisation de la relation client. En effet, l’interaction avec le client est désormais largement médiatisée par un écran/un dispositif :
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- Cela révolutionne la communication avec l’apparition de la programmatique.
- Google et Facebook absorbent les investissements publicitaires avec 70% de part de marché l’an dernier.
- Enfin, coté CRM, on est désormais dans une optique DMP (Data Management Plateform) permettant de rattacher toutes les data aux clients.
« Les données se ramassent à la pelle »
Quelle est selon vous la maturité des marketeurs en matière de data marketing ?
C’est surtout l’état d’esprit qui est en retard. Les outils et équipements sont accessibles, mais, aujourd’hui, les marketeurs sont rarement des professionnels de la donnée. Ils manquent de formations statistiques et techniques.
Dans l’immédiat, ce déficit est comblé par l’embauche d’ingénieurs ou le recours à des sociétés de conseil.
Mais, pour qu’il y ait de réels gains, il faudrait que la data soit positionnée en central. Or, ce n’est que rarement le cas aujourd’hui. Ça le devient, mais il y a encore un long chemin à parcourir. C’est pourtant important car la data se nourrit des processus opérationnels.
A l’inverse, dans les GAFAM, tout est conçu sur la donnée. On y vit véritablement avec, on se pose en permanence la question de quelles données doivent être gérées. En Europe, on en est encore souvent à se demander comment exploiter les données existantes et on réglemente avant même d’avoir construit et organisé le recueil.
Quels sont les secteurs les plus avancés / les moins avancés en data marketing ?
Aujourd’hui, le consommateur vit avec un smartphone à la main. La question à se poser est de savoir ce que les personnes font avec leur smartphone et ce qu’on peut leur apporter : suivi de livraison, mode d’emploi, prise de rendez-vous, …
A cet égard, les services vont plus vite que les autres secteurs d’activité et la SNCF, par exemple, a plutôt bien pris le virage de la data.
Un autre exemple est celui de Doctolib. A la base, ce n’est jamais qu’un Doodle géant entre patients et médecins qui est facturé 150€/mois aux professionnels de santé. Il s’est imposé parce qu’il améliore l’expérience de la patientèle et aussi parce que les médecins, hôpitaux, etc, n’ont pas su mettre de solutions satisfaisantes en place. Il a alors pu se positionner pour répondre au besoin.
Pour ce qui est des retards, les entreprises de plus petites tailles PME/PMI, sont au bord du néant en ce qui concerne la data.
Avez-vous une anecdote (une petite phrase sur la data, une bonne pratique, un conseil) que vous pourriez partager ?
Oui, tout à fait. Nous analysions l’évolution de la satisfaction d’un des plus gros hôtels de Tahiti. L’analyse NLP visait à analyser les thèmes abordés et les sentiments des clients.
L’indice de sentiment a montré une croissance brutale non explicable au premier abord. Lors de la présentation publique, le directeur de l’établissement nous a expliqué que la hausse était due à la fermeture de chambres pendant des rénovations. Il y avait donc moins de clients dans l’hôtel pour un personnel inchangé ; et, donc plus de personnel de disponible par client. La qualité de service en était améliorée. Il anticipait donc un retour aux valeurs antérieures dès les travaux clos. Il a conclu en disant
« Vous avez déshabillé une vieille dame en public ».
Merci Christophe Benavent pour cet entretien. Ceux qui voudrait mieux vous connaitre peuvent pour retrouver ici.
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